• Culture

Intransigeant, emporté, cinglant, Léo Ferré balançait le fond de sa pensée. Poète lyrique et insurgé viscéral, ce géant de l’âge d’or de la chanson française n’a jamais mâché ses mots. Portrait d’un anarchiste à la fois très entouré et extrêmement seul.

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Léo Ferré sur la scène de l’Olympia (Paris), en novembre 1972.

Léo Ferré serait mort. Non ? Si. Il y a trente ans. Au fond du café, ­devant un thé, une jeune femme bien mise s’étonnait de tous ces bouquins sur le créateur d’Avec le temps qui encombraient ma table. Elle minauda : « Sa voix était ravissante. Mais tous ces mots mis bout à bout… » Incroyable comme les mots libres, les mots en colère scandalisent encore…

Reprenons au début. Nous sommes donc le 16 juillet 1993. C’est un vendredi matin. Les routes des vacances font le plein. À la radio, une voix annonce : « Léo Ferré est mort il y a deux jours, en Toscane, à l’âge de 76 ans. » Inutile de le nier, nous fûmes nombreux à esquisser un sourire à ce joli bras d’honneur. Une « graine d’ananar » qui tire sa révérence le jour de la Fête nationale… Ensuite, bien sûr, ont surgi en désordre des souvenirs de mélodies : Vingt ans, C’est extra, La Mémoire et la mer, Thank You Satan, La Chanson triste. Des coups de gueule et des coups de spleen qui ont façonné un inconscient collectif.

Cet article est tiré du « Hors-Série Le Monde – Une Vie, une œuvre : Léo Ferré l’indigné », 2023. Ce hors-série est en vente dans les kiosques ou par Internet en se rendant sur le site de notre boutique.

Il était comme ça, Ferré. Écorché. Misanthrope au grand cœur. Rageur. Solitaire. Mélan­colique. Coléreux. Emporté. Imprécateur. Torrentiel. Habité. « Il y a du Baudelaire chez cet homme qui aime les balancements ­rigoureux. Des éclats de soleil, de fièvre, du Rimbaud. Des désespoirs, des plages sombres, du mauve, du Verlaine. De la poésie, tout simplement », notait si élégamment la si élégante Anne-Marie Paquotte, dans Télérama, avant de tutoyer, elle aussi, les étoiles. Et… Basta !

Le lendemain de l’annonce de la disparition du chanteur, Robert Belleret publia dans Le Monde un de ces articles qui secouent tout autant le lecteur que celui qui l’a écrit : « Léo Ferré est mort. Quatre mots assassins “à vous faire chialer tant et plus”. Avec le temps, c’est donc ainsi : Ferré “passant l’arme à gauche tel jour, telle heure, en telle année”, ce n’est pas un chanteur qui s’en va, c’est la chanson qui meurt un peu, beaucoup, insupportablement. La Bonne Chanson, façon Verlaine, qui ne chante que pour vous plaire, la romance avec paroles, la chanson de texte, de gestes, de clameur, de souffle et de frissons, La Chanson des amants, la chanson carmagnole, rebelle, La Chanson du Mal-aimé, celle qui ne sort que les soirs “de demi-brume”. Bref, la chanson française. Pour cet art majeur parce qu’instantané et universel, cette poésie contemporaine qui ne se résignerait pas à “ramper”, Ferré fut l’un et l’autre : divin et magistral. »

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